Au Roi

Petit Prince charmant, on eut beau te montrer,

Fin bijou tout caché dans la soie, la laine;

D'orgueilleux et brillants serviteurs t'entourer

Et nous dire: "Voilà, l'Héritier qu'on promène,

Bon peuple, venez voir et saluez le Prince !..."

Le peuple est accouru, mais quand il te vit mince

Et frêle dans les bras de ton auguste Mère,

Sire, quand il a vu ta moue volontaire,

Le peuple frémissant ne s'est pas dérobé:

Tu n'as été pour lui, qu'un tout petit bébé.

On eut beau chuchoter, admirable mystère:

"Le Prince est à l'Yser, il prend part au combat.

Entraîné par l'exemple éclatant de son Père,

Simple et grand, il y fait son devoir de soldat!..."

Or, nous n'avons pas cru, Sire, à ta renommée:

Le peuple est un peu lent, il n'avait pas compris

Ton beau geste d'amour. Mais quand, dans ton pays,

Il t'a revu tout fier en tête de l'armée,

À l'ombre du grand Roi, le peuple sanglotant

A reconnu en toi le "prince combattant".

"Le Prince est fiancé!" -On eut beau nous le dire-

"Il amène du Nord, tout ce qu'a cette Cour

De Beauté, de Vertu, de Sagesse et d'Amour!"

Le peuple ne crut pas à ces louanges, Sire,

Il ne crut pas possible un mérite aussi grand.

Mais lors, quand il a vu, dans le fier port flamand

Choir dans tes bras ouverts, avec tant de bonheur

Avec tant d'abandon, la gracieuse Altesse,

Le peuple a bien compris cette douce promesse

Et le peuple attendri Vous a donné son coeur.